TEXTES

Soirée partagée au Festival faits d'hiver 
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​Mes "soudains" de Carole Quettier suivi de Persona d'Anne-Sophie Lancelin
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Regards croisés, deux textes, d'un solo à l'autre, adresse de l'une à l'autre
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Poème inspiré par Mes "soudains", un solo chorégraphié et dansé par Carole Quettier
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Première sortie du rêve – Gisant au cœur qui bondit,
elle fixe des signes que son corps prolonge exagérément
Deux doigts tentaculaires observent des lignes brisées
Un bras fait son lacet :
encore à l’étroit dans l’expérience qui submerge,
Carole joint par la voie sinueuse, des points éloignés puis
 
aspire ou crie – deuxième sortie du rêve
Une tête secourt, déplace ce qui s’enlise
Elle creuse, force des passages dans les dessins, les buissons
Ses jambes épousent la forme du sablier 
Il y a maintenant plusieurs milieux
C’est pour elle l’occasion d’une démarche
qui scinde son corps en deux
 
Autre sortie – Revenir nécessairement à soi
L’aboutissement est un abouchement, un souffle                     
Lentement, elle se départit de ce qui est advenu 
Elle observe un jeu, mais qui joue l’alarme ?
La sonde est en déplacement – Elle prend
le chemin de la trotteuse et d’un atterrissage sans issue
 
Repousse l’éveil – il s’accommodera du rêve, en fera sa vraie vie
 
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Anne-Sophie Lancelin – 3 janvier 2022




PERSONA - Aux bords de soi, texte inspiré de Persona, un solo chorégraphié et dansé par Anne-Sophie Lancelin
 
Sur un pied, elle remue son âme au cœur, tournoie, devenant à elle-même le perchoir mobile aux extrémités de dentelles. D'ici que voir ? Peut-être l'espace d'un imaginaire sans borne. La tête, désentravée, oscille dans une étrange urgence ; le mouvement débraye, joyeux, quadrillant l'espace et décadrant le temps, métronome d'un monde inaperçu.
Avalée par la gangue d'étoffe noire, elle invente son autre, trop de vertèbres, les bras lui en tombent. Quel air serait respirable pour ce masque de pierre à la hauteur du vertige ? Au-dessus des hommes, en-deçà des êtres, s'affaisse et s'érige un personnage à la mesure indéfinissable, «fééristique» (Lewis Caroll), mais résolument incarné.
En revanche, elle, trouve le souffle, derrière la diorite, dans l'âme ancienne de ce masque (comme autrefois Mary Wigman, dans La danse de la sorcière, disait trouver sa respiration par les yeux du sien). Elle déploie et déplie des gestes en débats, magmatiques ; et ses mains au toucher nerveux, presque phobique d'un sol incertain, trouvent l'appui pour soutenir la renversante anormalité qui la traverse.
Elle rêve un autre corps, insoumis aux normes, adossé nu à l'écart trop grand des ombres. Sinueux et révolté, il trame une toile libre n'aspirant au piège d'aucune proie, déroutant le regard qui voudrait le cerner et prévoir son élan prochain. La danse étoile l'espace pour déjeter le sort. Elle l'angle et pour en conjurer la dureté, enroule ses bords de velours.
Echevelée, assise, elle écrit les traits de son autre visage, singulier, sarcastique, tour à tour hilarant et inquiétant, empreint d'une virtuosité inattendue et réjouissante. Elle quitte alors son lieu doucement, emportant d'un léger déhanché toutes celles qu'elle est. En pas de suspension, elle laisse présager de la multitude des danses à venir...
 
«Heureux celui que l'écœurement des visages vides et satisfaits décide de se couvrir lui-même du masque: il trouvera le premier l'ivresse orageuse de tout ce qui danse ''à mort'' sur la cataracte du temps» (Georges Bataille, Le masque)
 
 
Carole Quettier - 15 décembre 2021